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Comprendre les émotions


Introduction

L’émotion est un sujet discuté depuis des millénaires, depuis la philosophie antique, jusqu’aux neuro-sciences actuelles en passant par le domaine de la psychologie. Elle est universelle, indispensable dans toute communication et c’est elle qui a permis aux vertébrés de survivre et d’évoluer.

Mais alors, pourquoi un sujet si étudié et si important est-il si peu compris, notamment en entreprise ? Comment faire pour bien appréhender les émotions dans le cadre du développement produit ou dans l’animation d’équipe ? C’est ce que nous allons découvrir ensemble.

Qu’est-ce qu’une émotion ?

Une émotion est une réaction physiologique et psychologique du corps face à une situation, qui le met en action. Elle agit un peu comme un réflexe : on détecte les émotions avant même d’en avoir conscience. Il n’y a donc ni émotions négatives ou positives, simplement des réactions de notre corps face à des stimuli. Etant donné que la réaction est physique, elle peut généralement se « voir » chez un autre. Le fait d’essayer de comprendre les émotions d’un autre fait partie de l’attitude que l’on appelle l’empathie. 

Pour Paul Ekman, psychologue américain, il existe 6 émotions universelles : la joie, la colère, la peur, la tristesse, la surprise et le dégoût. Ces émotions sont reconnaissables par tous les humains, même si la culture de chacun les fera réagir différemment à un même stimulus. Il est généralement admis que ces 6 émotions sont considérées comme des émotions dites de base.

Focus sur les réactions physiologiques du corps face aux émotions en vidéo

L’émission pédagogique C’est pas Sorcier a adressé le sujet des émotions de manière efficace. Leur résumé permet de comprendre comment sont créées les émotions dans le cerveau ainsi que leurs effets sur ce-dernier.

Fred et Jamy à propos des émotions (extrait conseillé : de 1min55 à 13min11)
https://www.youtube.com/watch?time_continue=115&v=pyeXvjCVfy8

Focus sur la différence entre émotion et sentiment

Une émotion est une réaction du corps qui dure quelques secondes puisqu’elle provient du système nerveux des réponses rapides. En effet, l’émotion nous envoie un message pour nous pousser à l’action. On dit d’ailleurs qu’une émotion « se vit » : je peux vivre ma colère ou bien être en colère sans le montrer physiquement. Dans le 2ème cas, on parlera alors de sentiment.

Le sentiment a d’ailleurs 3 caractéristiques distinctes de l’émotion :

  • il ne s’exprime pas physiologiquement : il est mentalisé (et donc a peu de chances de se voir physiquement). Il est construit dans le néo-cortex, siège de la réflexion et de l’analyse.
  • il est moins intense : le sentiment ne nous pousse pas à l’action. Il nous invite à réfléchir à la meilleure chose que nous puissions faire pour cesser de nous sentir mal. S’il n’y a pas d’action en conséquence, il peut alors s’installer profondément en nous.
  • il dure plus longtemps : pour avoir un sentiment, il est nécessaire de prendre du recul en réfléchissant à ce qu’il s’est passé et d’évaluer la façon dont nous nous sommes comportés. Il peut durer, des heures, des jours, des mois, des années…

On peut donc dire que l’émotion alerte et le sentiment analyse.

Pour la suite de ce cours, lorsque je parle « d’émotion », je me concentre alors sur la définition des émotions précédente. Si je parle « de ressenti », alors cela inclut émotion et sentiment.

L’échelle de conscience émotionnelle

Découvrez le concept d’échelle de conscience émotionnelle de manière illustrée !

Claude Steiner, psychologue franco-américain, a introduit au fil de ses recherches la notion d’échelle de conscience émotionnelle. Il introduit une notion de niveau décrivant notre capacité à utiliser les émotions. Ainsi, il introduit 7 niveaux que j’ai simplifié en gardant les 4 principaux niveaux.

Echelle de conscience émotionnelle simplifiée de Claude Steiner

Premier niveau : la différenciation

Les personnes à ce niveau sont capables de reconnaitre les différentes émotions et leur intensité. Elles peuvent distinctement différencier la joie de la colère et la peur de la tristesse par exemple. Elles sont aussi en mesure de verbaliser ces émotions : on appelle cela le passage de la barrière verbale.

Par ailleurs, réussir à exprimer ses émotions (donc en utilisant le « je ») permet d’être inattaquable lors de discussions ou de débat. En effet, exprimer ses émotions, c’est exprimer sa vérité !

Deuxième niveau : la causalité

Les personnes à ce niveau sont capables d’identifier les causes qui ont déclenchées leurs émotions. Ces causes comprennent le stimulus qui a déclenché l’émotion ainsi que le besoin qui y est associé (et par conséquent, qui a déclenché l’émotion). Ces personnes comprennent alors pourquoi elles ressentent ce qu’elles ressentent.

Troisième niveau : l’empathie

Les personnes à ce niveau sont en mesure de questionner les émotions des autres pour pouvoir prendre conscience de leurs émotions. Puisque la cause et l’émotion de l’autre sont clairement identifiées, je peux alors me mettre à sa place.

Quatrième niveau : l’interactivité

Enfin, les personnes à ce niveau ont une très bonne connaissance de leurs émotions et de celles des autres ce qui leur permet de prévoir comment les autres vont réagir. Cela permet notamment de faciliter des conflits tout en n’étant pas dans l’équation.

Émotion : message et besoin

L’émotion porte un message. Derrière chaque message, il y a un besoin.

Le modèle des émotions que j’utilise

On peut résumer les émotions de la manière suivante : chaque émotion porte un message. Il en découle un ou plusieurs besoins. Votre enjeu est donc de comprendre quels sont les messages véhiculés par les différentes émotions que vous percevez.

Vous trouverez ensuite le modèle des émotions de base qui va plus en profondeur sur la description des messages et besoins en fonction des différentes catégories d’émotions.

Qu’est-ce qu’un besoin dans la communication non violente

Selon Marshall Rosenberg, psychologue américain et père de la Communication Non Violente, derrière les émotions, il y a les besoins. Il les définit ainsi :

  • ils sont universels (communs à tous les êtres humains) ;
  • ils sont indépendants de tout contexte, notamment, ils ne sont attachés :
    • ni à une personne en particulier
    • ni à un objet
    • ni à une action
    • ni à une situation particulière
  • il y a un nombre infini de manières de les satisfaire. Rosenberg appelle « stratégies » les actions que l’on met en œuvre pour les satisfaire.

Dans la Communication Non Violente, l’expression « non violente » est une référence au mouvement de Gandhi et signifie le fait de communiquer avec l’autre sans lui nuire. De plus, le besoin n’est jamais quelque chose que l’on peut faire, ni quelque chose que l’on peut prendre ou toucher. Il s’agit de besoin d’ordre plus général, comme indiqué dans la liste ci-dessous. Mais on peut identifier la satisfaction ou non de ses besoins par une sensation physique.

Exercice : exprimez une émotion et un besoin

Pour appréhender ce modèle, voici une liste de ressentis et de besoins issus de la Communication Non Violente. Avec ces 2 listes, vous pouvez vous entrainer grâce à la méthode suivante :

  1. Souvenez-vous d’un moment où vous avez vécu une émotion forte.
  2. Piochez parmi la liste suivante le ressenti qui vous parait le plus juste pour ce souvenir.
  3. Identifiez ensuite les besoins que vous aviez derrière ce ressenti.
  4. Réfléchissez si ces besoins ont été assouvis et si oui, l’étaient-ils d’une manière satisfaisante pour vous.
  5. (et si ce n’est pas le cas) Identifiez une stratégie pour les assouvir de manière satisfaisante.

Le modèle des émotions de base

Paul Ekman est un des premiers psychologues qui a réussi à démontrer qu’il y avait des émotions dites de base. Il s’agit de la joie, la colère, la peur, la tristesse, la surprise et le dégoût.

Pour tester cela, il est allé à la rencontre de peuples de Papouasie Nouvelle Guinée vierges de toutes rencontres avec d’autres populations du monde. Il leur a présenté un ensemble de photos présentant des visages exprimant des émotions. Il en est venu à la conclusion que 6 émotions étaient universellement reconnues par les humains, même sans avoir été impactés par la culture.

Il existe d’autres modèles de ce type qui comportent plus ou moins d’émotions comme celui de Plutchik par exemple (8 émotions de base). Chaque modèle permet d’expliquer une réalité et n’est ni complètement faux, ni complètement vrai. Pour ma part, j’utilise un modèle simple à comprendre et à retenir, notamment lors de mes sessions d’écoute active avec des utilisateurs.

Le modèle simplifié des émotions de base

Malgré le fait que Paul Ekman ait identifié 6 émotions dites de base, je préfère utilisé un modèle simplifié en éliminant le dégout et la surprise. En effet, la surprise est émotion « de passage », c’est à dire qu’elle laisse place à une autre émotion derrière. Et je suis trop peu confronté au dégout dans ma vie de tous les jours, je préfère donc l’enlever pour pour de simplicité.

Ainsi, comme expliqué précédemment, j’utilise un modèle qui introduit la notion de message et de besoin pour chaque catégorie d’émotion. Le besoin derrière chaque émotion n’est pas unique, il peut évidemment y en avoir d’autres. Mais par expérience, j’ai trouvé que le besoin inscrit dans le modèle ci-dessous couvre la plupart des cas : j’aime la simplicité de ce modèle car je peux le retenir très facilement.

Le modèle simplifié des émotions

Je vous invite à retenir ce modèle, il est pratique pour se repérer dans la vie de tous les jours, pour comprendre les réactions des autres. Mais les comprendre n’est pas suffisant : vous pouvez aller plus loin en les interprétant pour l’autre afin de l’aider à mettre le doigt dessus ce qui donnera lieu à des discussions uniques !

Réagir face aux émotions

Des exemples concrets pour comprendre comment efficacement réagir aux émotions

Il suffit de nommer l’émotion que l’on identifie chez l’autre, c’est très simple et pourtant très compliqué car profondément inhabituel. En faisant ceci, vous invitez l’autre à en dire plus tout en restant bienveillant. Et pas d’inquiétudes, les gens sont tout à fait à l’aise pour « corriger » leur émotion si vous en avez interprété une mauvaise !

Voici donc :

  • le cycle complet pour comprendre en profondeur une émotion chez l’autre
  • un guide de questions et de phrases pour réussir à interpréter l’émotion de l’autre tout en conservant un climat de confiance (car personne n’aime être analysé sans le demander)
  • un guide de questions pour trouver le besoin majoritaire derrière

Ces questions sont particulièrement utiles lors d’entretiens avec des utilisateurs dans des phases de découverte produit par exemple. Que ce soit pour des interviews exploratoires, des tests utilisateurs ou d’autres techniques à base d’écoute active, j’ai toujours en tête ces repères qui me permettent d’aller particulièrement loin sur la partie émotionnelle. Ainsi, je suis en mesure d’avoir une compréhension fine des irritants en interprétant le moins possible les besoins qui y sont associés, puisque j’aborde ce sujet avec eux.

Le modèle bidimensionnel

James A. Russell, psychologue américain, a mis au point le Circumplex. C’est un modèle bidimensionnel qui sert à placer les émotions sur un axe en deux dimensions : la valence et l’activation (ou arousal).

  • La valence permet de distinguer les émotions positives, agréables, comme la joie, des émotions négatives, désagréables, comme la colère.
  • L’activation représente le niveau d’excitation corporelle, qui transparaît par nombre de réactions physiologiques, comme l’accélération du cœur, la transpiration.

Ce modèle à eu beaucoup de succès car il permet de représenter une infinité d’émotions, il permet également la représentation facile des émotions nuancées par contre ce modèle ne propose pas de règles pour traiter et analyser les émotions.

Modèle simplifié dit des émotions négatives et positives

Même si une émotion n’est en soi ni positive, ni négative, elle peut être considérée comme plaisante ou déplaisante après que l’on ait questionné des personnes au sujet de ces émotions. Ainsi, en ne gardant que l’axe « valence », nous avons un modèle particulièrement simple à appréhender.

C’est le modèle que j’utilise pour réaliser mes experience maps. L’avantage de cette manière de représenter les émotions est qu’elle permet :

  • de les comparer entre elles
  • d’identifier immédiatement les pics (les fameux points de douleurs et de satisfaction)
  • d’avoir une représentation simple des émotions mais moins précise que par catégorie
Un exemple d’utilisation du modèle simplifié de la valence émotionnelle. En savoir plus sur cette experience map ici !

Conclusion

Nous sommes confrontés aux émotions tous les jours. Hors, on ne nous a jamais appris à les appréhender, à tel point qu’elles sont devenues tabous dans la plupart des contextes professionnels. Ce n’est pas une fatalité et des techniques comme l’écoute active permettent de capitaliser sur ces émotions pour avoir de meilleures relations autour de soi.

Le modèle simplifié des émotions de base permet d’identifier facilement ses propres émotions et besoins associés. C’est aussi un guide qui va permettre d’enquêter chez l’autre les ressentis. Ce modèle est ainsi particulièrement efficace dans des activités de compréhension ou de facilitation.

Le modèle simplifié des émotions positives et négatives, permet de proposer un modèle très simple et compréhensible par tous très rapidement. Ce modèle est particulièrement efficace dans des activités de synthèse comme l’experience map par exemple.

Enfin, pour progresser sur le sujet des émotions, il n’y a pas de solutions miracles, il suffit de pratiquer ! Ainsi, voici 2 exercices que vous pouvez initier pour progresser sur ce sujet :

  • Plutôt que de critiquer une situation, la prochaine fois, essayez de commencer par exprimer votre émotion avec une phrase qui commence par « Je » et non « Tu ».
  • Si vous identifiez une émotion lors d’une discussion, essayez de la nommer pour l’autre en utilisant une phrase du type « J’ai l’impression que ça … (te plait beaucoup, t’inquiète, t’attriste, t’énerves) ». Vous pourriez-être surpris du résultat !

Pour aller plus loin


Sources


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