Qu’est-ce que l’écoute active, dans le détail ?
L’écoute active est une méthodologie de communication qui consiste à utiliser le questionnement ouvert et la reformulation pour comprendre au mieux le message de l’autre et de le lui démontrer. Elle se repose sur des postures et des techniques visant à faire parler son interlocuteur. En phase d’écoute active, l’interviewer accepte l’autre tel qu’il est, ici et maintenant, en ne cherchant pas à changer quoique ce soit et en n’attendant rien en retour.
C’est Carl Rogers (1902 – 1985) qui est le père du terme « Active listening » ou « Ecoute active » en français. Ce psychologue humaniste américain considéré comme le 6ème psychologue le plus important du XXe siècle par la Review of General Psychology de 2002, a fait apparaitre ce terme en 1957, dans un article intitulé Active Listening. Aux côtés de Richard Farson, il y décrit les intérêts d’une écoute centrée sur l’autre.
Les publications et livres de Carl Rogers ont influencé beaucoup d’autres psychologues comme par exemple Marshall Rosenberg, le père de la Communication Non Violente et de manière plus générale, tous les psychologues qui ont suivis le courant humaniste.
Pour Carl Rogers, les émotions liées à une situation sont plus importantes que la situation en tant que telle. En effet, si la discussion tourne autour d’un problème précis, l’enjeu est de comprendre comment est perçu le problème par l’autre plus que le problème en lui même. Réaliser ceci demande donc une posture spécifique pour favoriser l’expression de l’autre, qui sont les fondamentaux de l’approche dite rogerienne.
Exemple d’application d’écoute active
Voici un exemple de haut niveau d’écoute active de la part d’ambulanciers québécois face à une situation grave. Attention, vidéo assez dure : on peut voir deux ambulanciers différents faire preuve d’écoute active face à une personne ayant un proche qui vient de décéder.
Vidéo d’exemple d’écoute active dans un cas difficile (décès)
Les 3 attitudes fondamentales de l’approche rogerienne
Les 3 attitudes fondamentales décrites par Carl Rogers dans son approche centrée sur la personne sont :
- l’empathie
- la congruence
- le regard positif inconditionnel
L’empathie
L’empathie est une attitude qui consiste à réaliser un effort conscient pour comprendre les émotions et sentiments de l’autre.
Il s’agit donc de faire un effort pour comprendre comment est vécue la situation par l’autre, afin de pouvoir faire l’effort mental de “se mettre à la place de l’autre”. Et il est primordial de réaliser ces 2 étapes dans l’ordre : nous ne pouvons pas nous mettre à la place de l’autre si nous ne tentons pas de comprendre les émotions qu’il ressent à ce moment précis, le risque d’interpréter avec nos propres filtres est trop grand.
Dans l’empathie, introduire une distance émotionelle est une composante importante puisqu’il ne s’agit pas de partager les émotions de l’autre : on serait alors dans la sympathie. En effet, la sympathie apporte une notion affective supplémentaire, où l’on va chercher à soutenir l’autre, particulièrement dans une situation difficile. Ceci ne nous intéresse pas dans l’écoute active : on s’intéresse à l’autre ici et maintenant sans chercher à changer quoique ce soit.
La congruence
La congruence est une attitude qui consiste à être parfaitement cohérent entre ce que nous ressentons, ce que nous pensons, ce que nous faisons et ce que nous disons. En d’autres termes, c’est l’alignement entre ce que l’on est, ce que l’on fait, ce que l’on dit. On parle aussi d’authenticité.
La congruence touche à nos valeurs : quelles actions menons-nous pour satisfaire et défendre ces valeurs ? A titre d’information, la congruence aura un impact sur notre crédibilité, notamment lors de prises de parole en public. Une congruence forte sera généralement associée à une bonne réputation.
Dans l’approche rogerienne, l’interviewer se doit d’être un exemple de congruence (et donc d’authenticité) afin de montrer à l’autre qu’il est lui aussi une personne et non un expert ou apprenti psychologue. Ainsi, il est fondamental d’être soi même (et de s’approprier les techniques de sa propre façon) lors d’une phase d’écoute active puisque sans cela, peu importe les techniques, cela sonnera faux et l’autre ne s’exprimera donc pas complètement.
L’écoute active impose donc “d’oter ses masques”, ce qui signifie qu’un travail personnel est une étape importante pour être efficace dans cette approche.
Le regard positif inconditionnel
Le regard positif inconditionnel est une attitude qui consiste à être chaleureux, positif et réceptif envers l’autre. Il s’agit donc d’une absence totale d’évaluation où nous nous affranchissons de juger l’autre.
L’enjeu est l’acceptation de l’autre dans son entièreté (acceptation de ses sentiments positifs et négatifs), tel qu’il est, sans chercher à l’aider ni à changer quoique ce soit. Pour Rogers, “accepter, cela signifie s’ouvrir à tout ce que peut ressentir son client sur le moment”. C’est-à-dire que dans l’intimité d’une discussion, il est probable de ressentir de la considération positive pour une personne ayant frappée une autre si elle parle de ses remords, même si son acte est condamnable.
Un autre concept s’inscrivant dans cette attitude est celui des positions de vie (issu de l’analyse transactionelle). Le schéma suivant explicite les différentes positions : il montre ainsi le cheminement à réaliser pour avoir une interaction saine.
- La position la plus saine pour une phase d’écoute active est celle de la relation idéale (je suis bien / l’autre est bien).
- La position d‘infériorité (je suis nul / l’autre est bien) va réduire notre congruence et risque de rendre difficile la construction de la confiance entre les deux interlocuteurs.
- La position de supériorité (je suis bien / l’autre est nul) va réduire notre capacité d’empathie puisque cette attitude nous mène à du mépris et du jugement, ce qui rend plus complexe l’expression de l’autre.
- La position de renoncement (je suis nul / l’autre est nul) ne permettra généralement pas d’entrer dans une posture d’écoute active.
Il est évidemment difficile de rester toujours dans cette attitude de regard positif inconditionnel, mais il est possible de la renforcer grâce à de l’entrainement. Cependant, il arrive que nous soyons dans l’impossibilité d’avoir cette ouverture puisqu’elle dépend de la personne en face. Dans ces cas, il vaut mieux changer d’interlocuteur (soit l’interviewer, soit la personne interviewée).
Les 3 phases de l’écoute active
Lors d’une phase d’écoute active, l’interviewer se tait et écoute 95% du temps. Son enjeu, mettre en place un climat de confiance suffisant pour avoir une discussion authentique. Ce n’est pas une consultation ! Pour réaliser cela, le processus cyclique suivant à 3 phases est efficace :
- L’identification
- L’investigation
- La reformulation
L’identification
Lors d’un échange, l’enjeu est de se concentrer sur les éléments saillants d’une expérience qui est racontée. On cherche ainsi les éléments de base qui vont structurer l’interview. Imaginez par exemple les différent sujets qui émergent à la question « Que vous évoque l’écologie ? ». Chacune des « grandes idées, des grands thématiques » qui émergent sont les sujets à identifier.
Ce sont :
- Les idées-clés que propose l’interviewé
- Les ressentis face à une situation
- Les points de vue de la personne
Chacun de ces sujets devra donc être abordé pour être investigué.
Astuce : quand vous prenez des notes lors de l’interview, veillez à toujours noter les thèmes identifiés sur un carnet pour ne pas les oublier. Une fois que vous aurez investigué un autre sujet, vous pourrez y revenir plus sereinement. Faites cela même s’il y a une autre personne qui prend des notes.
L’investigation
L’investigation est de 3 ordres. Soit vous investiguez pour :
- Clarifier un propos que vous n’avez pas compris. Ex : “Pourriez-vous me réexpliquer ce point svp ?”
- Creuser un propos pour aller plus dans le détail. Ex : “Auriez-vous un exemple de ce que vous me décrivez ?” ou “La dernière fois que cela vous est arrivé, que s’est-il passé ?”
- Creuser une émotion. Ex : “J’ai l’impression que cette situation vous a beaucoup inquiété…”
Tout l’enjeu ici est de faire parler la personne afin qu’elle en arrive à exprimer ses émotions liées à une situation.
Le deuxième enjeu est d’avoir une compréhension la plus parfaite possible de la situation qui a été décrite par l’autre sans la moindre interprétation. Alors n’hésitez-pas à creuser le cheminement de la personne même si les réponses paraissent évidentes, vous pourriez être surpris.
La reformulation
La reformulation est une technique qui cherche à restituer à l’autre une synthèse de ce qu’il nous a raconté. Il s’agit généralement de répéter mot pour mot ce que l’autre vient d’expliquer.
La reformulation est la seule preuve de l’écoute. Elle assure à l’autre d’avoir été écouté.
La reformulation permet à l’autre d’avoir le sentiment d’être compris et lui permet aussi d’ajuster son propos en rectifiant le tir ou en nuançant suite à une reformulation. Elle amène aussi parfois l’autre à prendre du recul par rapport à ce qu’il dit ou ce qu’il vit.
Prenons un exemple,
- A la phrase d’un interviewé « Tous les matins, je prend mes céréales et mon jus de fruit. »
- Une manière de reformuler est la suivante : « Donc chaque matin, vous prenez du temps pour manger et boire, c’est bien ça ? »
- Une réponse possible sera la suivante : « Tout à fait. En général, ça me prend entre 5 et 15 minutes ».
- Ce qui m’invite à investiguer : « Par exemple, ça vous a pris combien de temps ce matin ? »
- « Ce matin, j’étais en retard donc je n’ai pas eu le temps de petit-déjeuner »
- L’investigation continue : « Et le jour d’avant » ?
- « Ça m’a pris, je dirais… 20 minutes. »
- Reformulation : « Si je comprends bien, la plupart des matins, vous prenez un petit-déjeuner qui dure 20 minutes maximum »
- Ajustement de l’interviewé : « En fait, il m’arrive de prendre des petits-dej de 30 min, le week end par exemple »
- Reformulation : « OK, donc la plupart des jours de la semaine, vous prenez 20 minutes maximum pour petit-déjeuner »
- Validation : « C’est effectivement ça »
Ici, plusieurs pistes sont à creuser pour aller dans la précision : est-ce toujours le même repas ? qu’est-ce qui influence le temps du petit-déjeuner ? pourquoi certains petits-déjeuners ne sont pas pris ? Est-ce toujours pris au même endroit ? Etc.
Les techniques de l’écoute active
Techniques d’écoute active de base
- Reformuler : synthétiser le propos de l’autre en répétant ce qu’il vient de dire
- Demander des exemples concrets : creuser avec une question du type “la dernière fois que vous avez fait ça, que s’est-il passé ?”
- Rebondir sur le dernier propos : constamment questionner sur la dernière chose que la personne a mentionné
Techniques d’écoute active avancées
- Poser toutes ses questions d’investigation au passé : dire “qu’avez-vous fait lors de vos achats” plutôt que “que faites-vous lors de vos achats” pour avoir du détail sur une expérience passée plutôt que sur quelque chose reconstruit à la volée
- Respecter les silences : Ne pas parler lorsque la personne est encore en train de réfléchir, ne pas se précipiter pour poser ses questions (ne pas avoir peur du silence !)
- Connaitre par cœur une liste de questions-clés pour rebondir, dispo ici : Quelles questions poser ?
- Interpréter les émotions : nommer les émotions lorsque nous les détectons, creuser le besoin derrière puis reformuler
- Plus de détails sur la page Comprendre les émotions
Les postures de l’écoute active
Postures d’écoute active de base
- Ne pas interrompre : laisser à chaque fois l’autre terminer son propos
- Aligner son corps : regarder dans les yeux et aligner pieds et nez avec l’autre
- Soutenir le propos : réaliser quelques acquiesements, des « mhmh », des « OK » discrets ou tout autre preuve qui montre que l’on est concentré sur le propos de l’autre
Postures d’écoute actives avancées
- Respecter le propos même en cas de désaccord : ne pas réagir si des propos heurtent nos valeurs, comprendre ne veut pas dire accepter !
- Révéler ses sentiments : sourire en cas d’histoire joyeuse, grimacer en cas de situation lourde, bref, soutenir le propos de l’autre grâce à son non verbal
- Résister à notre impulsivité : ne pas répondre même si l’autre nous le demande, ne pas donner d’avis ou de conseil
- Contrôler ses gestes parasites : faire attention à notre non-verbal, souvent révélateur de notre jugement
Conclusion
L’écoute active est une méthodologie de communication qui consiste à utiliser le questionnement ouvert et la reformulation pour comprendre au mieux le message de l’autre et de le lui démontrer.
Cel permet d’établir une relation de confiance lors de l’échange qui va pousser l’autre à se confier.
Elle se repose sur :
- 3 attitudes fondamentales : empathie, congruence, regard positif inconditionnel
- 1 démarche : identification, investigation, reformulation
- des postures : ne pas interrompre, repsecter le propos, ne pas montrer son jugement
- des techniques : rebondir, demander des exemples concrets, questionner au passé, sonder les émotions, reformuler
Pour aller plus loin
- Comprendre les émotions
- Article de blog : Réagir face aux émotions
- Comment faire des interviews exploratoires
- Comment poser les bonnes questions
Sources
- ACTIVE LISTENING by Carl R. Rogers and Richard E. Farson (1957) : http://wholebeinginstitute.com/wp-content/uploads/Rogers_Farson_Active-Listening.pdf
- En savoir plus sur le regard positif inconditionnel : https://www.cairn.info/revue-approche-centree-sur-la-personne-2013-1-page-65.htm